En hommage à Jean-Samuel Grand (1947-2018)

Jean-Samuel Grand, imprimeur et éditeur, responsable de longue date des Éditions Ouverture et de la revue Itinéraires, est décédé le 10 juin 2018.

Sa disparition laisse un vide douloureux dans le monde de l’édition romande, comme pour tous ceux et celles qui sont attachés à l’ouverture spirituelle que cet homme de conviction aura défendue sans relâche.

Typographe de formation, Jean-Samuel Grand a mis sur pied sa propre imprimerie, ensemble avec son frère Etienne: l’Atelier Grand au Mont-sur-Lausanne.

Dès l’origine, son métier d’imprimeur a été lié à celui d’éditeur - «mais au fait, être éditeur, est-ce véritablement un métier? n’est-il pas plutôt le rassembleur d’une infinité de vocations?», écrira-t-il.

Jean-Samuel Grand a en effet toujours eu à cœur de faire connaître et de transmettre des textes qui parlent de l’essentiel. Proche des communautés monastiques, il a rassemblé et édité aux Éditions Ouverture des auteurs engagés et soucieux de spiritualité. On lui doit notamment la collection de plaquettes À toute épreuve.

Personnage critique et militant, passionné et généreux, issu lui-même de conditions modestes, il a gardé un regard sans concession sur le pouvoir de l’argent, ce «dieu aveugle» qu’il n’a cessé de dénoncer comme en témoigne cet interview: Le premier obstacle à l’œcuménisme, c’est l’argent !

La notion d’ouverture n’était pas chez lui un vain mot, mais une conviction bien réelle. C’est dans cet esprit qu’il a lancé avec une équipe la revue Intinéraires. Il en a été le rédacteur responsable pendant 25 ans.

Jean-Samuel Grand a raconté son parcours dans le livre L’amour révolté: à la fois récit de vie et réflexion sur l’essentiel, invitation à la résistance, à la solidarité, à la rencontre avec cette vie venue d’ailleurs qui fonde la vie humaine.

Vital Gerber

Dans ce monde en pleine dérive, où la mort si souvent submerge la vie, comment ne pas se révolter? [...] À moins de se situer définitivement du côté des nantis et des privilégiés, si nous voulons survivre, il faut exhumer la révolte, celle qui permet de résister, de détordre, de lutter, de prendre fait et cause pour tous ceux dont on a barré l’avenir. La révolte fait partie intégrante de l’amour.

[...] La révolte permet de signifier à l’autre: «Ce qui te touche au plus profond de ton être m’atteint pareillement dans mon humanité.» À la puissance aveugle qui tue, déstabilise, tranche, ampute, il faut répondre par un amour révolté, qui puise son indignation et sa force jusque dans le cœur de Dieu.

Jean-Samuel Grand, L’amour révolté, Ouverture, 2006