Crise économique, silence théologique

Que retiendra-t-on du discours des Églises en cette année de crise ? Pas grand’chose, peut-être… Ah, si : la nomination de Roland Decorvet, directeur de Nestlé Suisse, au Conseil de l’EPER, l’œuvre d’entraide protestante.

Ce n’était peut-être pas voulu, mais c’était un signal fort. Un message peut-être involontaire, mais qui ne pouvait être compris que de manière univoque : l’Eglise se place du côté des patrons des grandes entreprises.

Le discours de la foi chrétienne a-t-il quelque chose d’autre à proposer ? Est-il capable encore, 500 ans après Calvin, de « protester » ?

Théologie et économie

La difficulté vient aujourd’hui de ce que la réalité économique semble être devenue complexe, et que la théologie est plutôt mal placée pour s’aventurer à proposer une analyse pertinente de la chose. Elle est dépendante de disciplines mieux qualifiées qu’elle.

Mais dans le même temps, la théologie se devrait de refuser que de tels enjeux ne soient discutés que par une élite de « spécialistes » en économie. Ces enjeux concernent tout un chacun, et les choix qui y sont liés doivent pouvoir être partagés par tous.

Autrement dit, l’Église devrait, au minimum, participer à cette double tâche : d’une part, celle de comprendre et de rendre compréhensible le monde économique. D’autre part, celle d’exiger et de rendre possible une démocratisation véritable des structures économiques.

On ne ferait ainsi rien d’autre que de rejoindre une préoccupation fondamentale de la Réforme : donner à tous l’accès aux références qui régissent notre vie quotidienne, et non pas laisser à un « clergé » le monopole de l’interprétation de la réalité.

Lire, comprendre, protester

Ce silence théologique est d’autant plus préoccupant que d’innombrables termes religieux apparaissent dans les discours sur l’économie : foi, mythe, providence, ...

Alors, que puis-je vous proposer, de la part d’un office d’éditions ? Quelques livres, quelques références qui, à moment donné ou un autre, m’ont donné l’impression de comprendre un tout petit peu mieux ce qui se trame autour de nous.

Voici un petit choix de titres qui, de différentes manières, essaient d’établir des liens entre théologie et économie :

  • Giorgio Agamben, Le Règne et la Gloire. Pour une généalogie théologique de l’économie et du gouvernement (Homo Sacer II,2), Seuil, 2008
  • Christian Arnsperger, Critique de l’existence capitaliste. Pour une éthique existentielle de l’économie, Cerf, 2005
  • Hugo Assmann, Franz J. Hinkelammert, L’idolâtrie de marché. Critique théologique de l’économie de marché, Cerf, 1993
  • Guy Botinelli, Non à la fatalité du tout économique, Olivétan, 2006
  • William Cavanaugh, Eucharistie et mondialisation. La liturgie comme acte politique, Ad Solem, 2001
  • Christian Laval, L’homme économique. Essai sur les racines du néolibéralisme, Gallimard, 2007
  • Achille Rossi, Le mythe du marché, Climats, 2005
  • À propos de l’élection du directeur de Nestlé à l’EPER : des articles de Protestinfo et du Courrier

Vital Gerber